Entre clichés, espérances et sensationnalisme, voici mon opinion.
J’entends souvent le positionnement suivant :
« L’univers est si vaste qu’il est impossible qu’une forme de vie intelligente ne soit apparue que sur terre. »
Ceci, y compris de la part de scientifiques de renom comme par exemple le biologiste Richard Dawkins que j’admire pourtant avec un manque de modération tout à fait assumé, particulièrement quand il défend, courageusement, la pensée critique.
Je tique notamment sur le mot « impossible ». L’univers observable, sans même parler de sa taille intégrale, a beau être effectivement très vaste, cette abondance d’espace, d’énergie et de matière ne garantit nullement de façon stricte que des extraterrestres d’une intelligence égale ou supérieure à la nôtre existent, y compris au-delà d’une définition anthropocentriste difficilement évitable mais ayant au moins valeur de point de départ.
L’apparition de la vie sur terre semble conditionnée par une suite -hautement- improbable d’événements et de facteurs la favorisant. Voici quelques points non exhaustifs :
- Une distance terre-soleil autorisant des températures clémentes
- Le fait d’avoir une lune de taille importante générant des marées et un peu de lumière durant la nuit par réflexion
- Un axe légèrement penché créant des saisons, alternant ainsi les conditions de vie, ce qui favorise la pression sélective, donc l’évolution : l’organisme le plus capable de traverser l’hiver bénéficiera des ressources du printemps et pourra donc ainsi potentiellement devenir un ancêtre, c’est à dire un champion léguant ses aptitudes innées aux générations suivantes. Sans un cycle de saisons, l’évolution serait plus lente et donnerait des résultats très différents de ceux que l’on connaît, voire serait stoppée
- La planète doit aussi être pourvue d’une gravité non écrasante mais en même temps assez forte pour retenir une atmosphère suffisamment dense afin de produire un effet de serre bénéfique et, couplée à une activité magnétique, nous protéger des radiations spatiales mortelles
- La disponibilité en grandes quantités de tous les éléments basiques permettant la chimie du vivant
- Beaucoup d’eau à l’état liquide autorisant un fort brassage des molécules
Une simple variation dans cette équation fragile et les chances pour que la vie apparaisse, telle que nous la connaissons, diminuent de façon corrélée. Quand l’écart est trop grand, l’impact devient délétère, à l’image des autres planètes du système solaire que nous connaissons le mieux du fait de leur proximité, par contraste avec les exoplanètes en orbite autour d’étoiles si lointaines que les informations dont on dispose à leur sujet sont grandement fragmentaires, voire anecdotiques. La quasi-totalité des astres restant à découvrir.
Le club des 8
Mercure, Vénus, Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune sont pour nous des enfers. Mars, en comparaison, semble plus hospitalière (nous parlons tout de même de températures moyennes autour de -50°C, d’une atmosphère irrespirable composée principalement de dioxyde de carbone, d’une gravité plus faible réduisant la densité osseuse et, entre autres, de rayonnements mortels venus du ciel). Certaines lunes satellisées autour de Jupiter ou de Saturne pourraient réserver des surprises susceptibles de révolutionner la définition du vivant et son unicité terrienne présumée, mais cela n’a rien de certain. Si de la vie, ou ses traces, à l’échelle microbienne était découverte ailleurs dans le système solaire, je pense qu’elle aurait de fortes chances d’être d’origine terrienne, étant arrivée sur Mars ou sur Titan via des météorites chargées de bactéries et expédiées depuis notre sol, suite aux différents impacts successifs subis par la Terre depuis sa formation. A contrario, nous sommes presque certains qu’aucune vie n’existe dans le système solaire à l’échelle macroscopique et encore moins une vie dotée d’une intelligence produisant des technologies.
À part l’être humain.
Notre espèce, pur produit de la Terre, est habituée à survivre via des interactions sociales complexes. Nous sommes programmés par nos gènes pour aller les uns vers les autres afin de profiter des bienfaits de l’entraide, en nous fédérant, en divisant les tâches via des spécialisations, à l’image des cellules du corps, et à nous reproduire. Nous sommes faits pour chercher de la compagnie et pour l’espérer intensément en cas de solitude forcée. Mais cette espérance peut-elle aller jusqu’à la certitude? Cette confusion ressemble à une foi, à un parti pris établi avec ou sans vérification : être convaincu que le Soleil tourne autour de la Terre ne permet pas de faire du géocentrisme un modèle décrivant correctement la réalité, y compris sans preuve du contraire.
Cast away
À travers notre histoire, nous avons l’habitude de constater la présence d’autres êtres humains dans les régions les plus reculées du globe. Christophe Colomb traversant l’immensité de l’Atlantique pour découvrir une terre lointaine peuplée par les Natifs Américains, ou bien James Cook rencontrant les Aborigènes en Australie, les explorateurs ont fait le constat que l’Homme était déjà presque partout sur Terre. Sapiens s’est lentement isolé sur chaque continent au fil des siècles, et soudainement toutes les familles humaines se sont retrouvées grâce à la science moderne. Quand aucun être humain n’est présent, nous nous attendons au moins à trouver de la vie. Même dans des régions aussi extrêmes que l’Antarctique, le Sahara ou les fonds océaniques, nous trouvons des lointains cousins. Les bactéries extrêmophiles, vivant dans des conditions fortement hostiles, démontrent la prodigieuse plasticité du vivant et ses remarquables capacités d’adaptation. Mais jusqu’où? Sur la Terre uniquement, à notre connaissance. En effet, rien n’a été trouvé dans les météorites ( à un soupçon près, ALH84001, de plus en plus infirmé ), rien non plus à travers les robots que nous avons expédiés sur les planètes proches, aucune info déterminante dans la spectrographie des exoplanètes connues et rien encore du côté du programme SETI, cette grande oreille chargée d’écouter l’espace pour y déceler un signal présumé intelligent. À ce jour, nous ne trouvons la vie que sur Terre et sa grande abondance, cette fausse amie nous semblant aller de soi, ne nous autorise pas à affirmer qu’elle se trouve ailleurs.
Nous nous trouvons dans la situation du gagnant du gros lot, donc l’exception, qui trouve ensuite sa fortune tellement normale qu’il s’étonne que d’autres n’aient pas eu cette chance, à ses yeux pourtant si simple, naturelle et facile. Nous sommes ce gagnant, comme un soldat traversant au pas de charge un champ qu’il ignore être truffé de mines et qui survit, défiant les probabilités. Chacun de ses pas l’a fait victorieusement évoluer vers son objectif, en évitant, par un incroyable hasard aveugle, chaque mine qui l’aurait immédiatement condamné. En arrivant en lieu sûr, quelles seraient les conséquences s’il faisait signe à ses camarades restés en place de l’autre côté, en leur disant : « Venez! Aucune mine dans ce champ! La preuve, j’ai pu traverser sans encombres donc vous ne craignez rien! » ?
Prométhée
La vie telle que nous la connaissons est donc le fruit d’une très forte improbabilité. Mais faisons une expérience de pensée : si nous affirmons que la vie est un phénomène fréquent dans l’Univers, cela étant justifié par l’existence d’une infinité d’étoiles démultipliant les combinaisons possibles, pouvons-nous pour autant affirmer que toutes les formes de vie apparaissent au même moment? Toutes les étoiles ont des âges différents donc nous pouvons dire que toutes les expressions intelligentes du vivant ne doivent probablement pas avoir un âge identique. Il est ainsi raisonnable de penser qu’une région de l’espace a été la pionnière, avant toutes les autres. Pourquoi cette région ne serait-elle pas la nôtre?
Il est envisageable que nous soyons la toute première étincelle d’intelligence dans l’univers.
Peut-être que les compagnons que nous appelons de nos voeux ne sont pas encore nés? Ou bien alors, c’est à nous de leur donner naissance, en explorant l’espace et en diffusant notre précieuse combinaison ADN, trouvaille gagnante, hardware perfectionné depuis plusieurs milliards d’années de recherche et de développement opérés par la nature à bord de notre laboratoire terrestre. Pareil pour la partie software : notre science, culture et technologie. Les connaissances exactes et les idées qui marchent survivent. À l’image du premier de nos ancêtres ayant trouvé comment maîtriser le feu et qui s’est ensuite appliqué à transmettre ce savoir à ses proches, puis de façon virale à toute l’espèce. Il est bien sûr possible, voire probable, que d’autres personnes aient trouvé la domestication du feu de façon parallèle. Mais de façon exactement simultanée? Cela serait nettement moins crédible. Un de nos ancêtres a donc été le premier Prométhée. Peut-être l’unique.
« I want to believe »
On voit qu’il est déjà difficile de parler d’exobiologie effective, alors d’éventuelles soucoupes volantes… dont les formes suivent d’ailleurs curieusement le style contemporain de leur époque de présumée observation… Rien de crédible à mes yeux. Nous avons commencé à émettre des ondes radio/tv voici 70 ans, ce qui veut dire que d’éventuelles intelligences doivent se trouver dans un rayon de moins de 70 années lumières pour savoir que nous sommes là, ce qui concerne juste une poignée d’étoiles très locales. Puis que les aliens soient ensuite capables de voyager jusqu’à nous instantanément (magique!). S’ils sont plus raisonnables et qu’ils voyagent à la vitesse de la lumière, cela limite le rayon de la sphère à 35 ans, en impliquant donc moins d’étoiles. 35 ans pour capter notre émission TV, puis 35 ans de voyage pour venir nous rendre visite, cela sachant qu’Einstein nous dit que la vitesse de la lumière est indépassable et inatteignable… (plus on s’approche de cette vitesse, moins nous pouvons accélérer) les options se réduiraient. Toute technologie propulsant un engin spatial à une vitesse infraluminique augmente de façon gigantesque les durées (et quid du carburant? Dans un schéma à notre portée, plus la distance est longue, plus la quantité de carburant embarqué doit être grande et plus le vaisseau a besoin d’énergie pour accélérer/ralentir cette masse ajoutée). L’étoile la plus proche du soleil est à 4 années lumières, c’est à dire un voyage de 400 000 ans avec nos combustibles chimiques actuels, ou 70 000 ans en pariant sur des techniques innovantes… Reste la possibilité du hasard : un groupe de vaisseaux, différents les uns des autres (vu la variété des descriptions faites par les supposés témoins), passaient simplement par là… Ou bien « ils » ont des technologies si avancées que nous ne pouvons pas les imaginer? Permettant ainsi de s’affranchir des contraintes de l’espace/temps et des lois physiques que nous pensons comprendre. Tout comme une girafe parfaitement incapable de piloter un avion de ligne. Possible. Mais peut-on déclarer que cela soit probable?
Le grand flipper
Quant à la panspermie, théorie affirmant que la vie sur terre est d’origine extra-terrestre : peut-être en effet que nous ne sommes pas les premiers et que la vie a été transportée sur Terre. À mon sens cela revient à déplacer le problème. Comment seraient apparus ces expéditeurs? Egalement par panspermie? Quand on remonte le fil jusqu’au bout, on trouve mécaniquement le premier pas d’une évolution endogène, tout comme nous pouvons remonter le parcours de l’Humanité jusqu’à une petite région de Afrique subsaharienne, ce paradis pas perdu. S’il faut un Neil Armstrong de la vie intelligente, rien n’exclut que nous le soyons.
Pour conclure, je vous présente une application surprenante de la Loi de Moore ( conjecture, ayant fait ses preuves, qui prévoit une évolution exponentielle de la complexité du matériel informatique à prix constant ). Ici cette loi est rétro-appliquée à la complexité du vivant :
Ce schéma indiquerait que la vie serait donc beaucoup plus ancienne que l’âge de la terre, ce qui validerait l’origine extra-terrestre du vivant (Source).
Ma lecture de ces données est différente. Un gâteau ne commence pas à exister au moment où tous les ingrédients sont réunis dans la cuisine. On peut dire que chaque gâteau, c’est-à-dire la somme de ses particules, possède l’âge du système solaire, voire celui de l’Univers. En bémol, le schéma indique le premier pas à -9,5 milliards d’années, tandis que l’Univers date de -13,8 Ma. Une différence de -4,3 Ma que je ne parviens pas à expliquer. Une approximation de la loi? Une durée nécessaire pour que l’Univers refroidisse et permette la création des premières briques élémentaires? Une application inadaptée ou peut-être, effectivement, une confirmation de la panspermie.
Seuls ou pas, précurseurs ou pas, nous n’en savons rien. Nous savons en revanche que nous avons l’incroyable chance de pouvoir chercher. Et d’écrire la suite de l’aventure.